La réforme dans la vallée des Baux

  Au XVIe siècle à l'époque de Jean Calvin, les protestants étaient peu présents à Arles. Mais on les trouve très tôt dans la Vallée des Baux. A l'époque la Ville des Baux occupait le territoire actuel des quatre villages de la vallée : Les Baux, Mouriès, Maussane et Le Paradou (Saint-Martin de Castillon). Vers le milieu du XVIe siècle, en effet, les protestants apparaissent sous la double influence des Vaudois, qui se sont établis à Eyguières, appelée la « Genève des Alpilles », et des calvinistes ou luthériens venant d'Arles où beaucoup de clercs et de nobles avaient rejoint la nouvelle religion.

   Entre 1533 et 1538 les habitants des Baux furent tous accusés (faussement) d'être luthériens et certains furent ex-communiés. A partir de ce moment-là la ville devient un refuge pour les protestants de la région. Le phénomène touche surtout la noblesse et la bourgeoisie aisée locale.

   Après la colloque de Poissy en 1561 les protestants de la région, organisés parfois par des chefs militaires, s'emparent du château de Beaucaire. Le nombre de protestants aux Baux s'étaient accru pendant la décennie précédente et le village craignait le même genre d'attaque par surprise. La garde a été renforcée. Dans le village, les habitants se sont emparés des objets du culte catholique qui ont été jetés dans la citerne à l'entrée du château. En mai, les protestants s'emparent du château, qu'ils occupent pendant trois mois : les images religieuses et le mobilier sont saccagés. Les catholiques des Baux sont partis se réfugier à Arles.

   La reconquête du château est mené par Gauchier de Quiqueran à partir d'une ferme qui porte depuis le nom de Mas de la Guerre , et fut effective à partir du mois de septembre 1561. En 1563 l'édit d'Amboise calme les esprits. En avril de cette même année, le conseil des Baux décide que «. . . ceulx de la religion réformée seront receus à la maison commune et affaires de la ville, à tout le moins les plus apparents et solvables . . . » A partir de ce moment-là et pendant 20 ans le calme règne aux Baux. Il y avait un pasteur aux Baux en 1570. C'est pendant cette période que la famille de Manville ou la famille Brisson Peyre fait ériger la belle demeure dans la grande rue dont il subsiste une croisée portant l'inscription « Post tenebras lux 1571 » , « après les ténèbres la lumière », la devise de la ville de Genève encore aujourd'hui.

   Un équilibre instable va suivre. Jacques de Boche, gouverneur de 1581 à 1621, exerce un contrôle rigoureux contre les protestants, et ceci malgré l'édit de Nantes en 1598. Pendant cette période de paix relative, les familles protestantes vont descendre dans la vallée où ils s'établissent, notamment à Mouriès, en créant des fermes près des points d'eau et au milieu des oliveraies. La famille Peyre s'établit au Destet, où ils engagent des maîtres particuliers vers 1670 pour apprendre le français à leurs enfants : il faut pouvoir lire la Bible.

   L'équilibre sera rompu avec la Révocation de l'Edit de Nantes par Louis XIV en 1685. On connaît l'efficacité des « dragonnades ». Quatre compagnies de dragons furent logés à Mouriès chez les réformés avec l'intention d'y rester jusqu'à ce qu'abjuration s'en suive . . . La conséquence en fut une conversion massive des familles de Mouriès entre le 17 octobre et le 6 novembre 1685 - on avait assez de bouches à nourrir sans ceux des soldats du roi ! Néanmoins les nouveaux convertis furent souvent accusés d'une « résistance passive » vis-à-vis de l'église catholique. . . . C'est pendant cette période que le « Désert des Alpilles » se développe. En fait la région autour des hameaux du Destet et des Baumettes ressemble peu au Désert des Cévennes : il existe des familles protestantes qui font preuve d'indépendance et de dynamisme pendant cette période où certaines même s'enrichissent grâce au commerce de l'huile d'olive, faisant ainsi des jaloux . . .

   On connaît aussi des exemples des difficultés de ces familles de l'époque. Les pierres tombales éparpillées dans les campagnes témoignent du peu d'empressement des familles d'être enterrées dans les cimetières catholiques. En 1699 tous les habitants du Destet furent transférés à Aix-en-Provence sous prétexte que le corps d'un nouveau converti fut enterré illégalement. En 1749 Suzanne Bouer, jeune fille de 15 ans, fut enlevée à ses parents protestants et enfermée dans un couvent à Arles d'où elle n'est jamais revenue.

   Cette situation durera jusqu'à la veille de la Révolution. Les protestants bénéficieront d'une reconnaissance officielle en 1787. En cette année 26 chefs de famille protestants de Mouriès (130 personnes) déclarent leur « état civil ». La Révolution même n'épargnera pas les protestants. Pierre Verpian périra à Marseille sur l'échafaud. Les biens possédés par les protestants et l'estime dont ils étaient entourés en faisaient des cibles pour les révolutionnaires.

   Après la Révolution , l'église réformée sera réorganisée sous Napoléon et les familles décident de la construction d'un nouveau temple à Mouriès, consacré en 1824, où l'on peut voir inscrit fièrement sur le linteau surmontant la porte d'entrée la devise calviniste de la maison Brisson-Peyre des Baux, « Post tenebras lux ». Le cimetière protestant fut le don d'un membre de la famille Peyre décédé en 1853.

   Pour nous qui arpentons ces terres en cette année 2009, 500 ans après la naissance de Calvin, il n'est pas inutile de rappeler ces évènements où nos ancêtres, ancêtres familiaux pour certains, ancêtres de confession pour toute notre communauté, ont fait preuve de tant de tenacité et d'espérance. Que ces qualités nous restent acquises aujourd'hui !

Janice Lert

Bibliographie partielle :
BONNET, Marcel - MOURIES - Editions Equinoxe, 1991,
PAULET, Abbé L. - LES BAUX ET CASTILLON - Editions C.P.M.,1986.